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« La malédiction du vainqueur » (Waldimir Andreff) :
les coûts des JO sont toujours dépassés
Depuis 1968 le coût des JO a, sauf une seule fois, dépassé les estimations originelles. Les estimations initiales sont systématiquement sous-évaluées pour tenter d’arracher l’adhésion des populations et c’est le cas une fois encore. Depuis les Jeux de Mexico en 1968, le dépassement moyen des jeux d’été est de 167% ! Évidemment, le coût retombe sur les contribuables, qu’ils soient locaux ou nationaux.
Le stade olympique de Montréal (jeux de 1976) a été payé pendant 30 ans. A Londres le coût a été multiplié par plus de 2, passant de 4,8 prévus à 10,9 milliards d’euros. Les dépenses pour Rio, initialement chiffrées à 9,5 milliards d’euros, devraient atteindre 33 milliards d’euros. Le stade de Maracana, aujourd’hui laissé à l’abandon, sera remboursé pendant plusieurs siècles, voire un millénaire… Actuellement, l’État de Rio est en faillite, situation précipitée par la Coupe du Monde de football et par le déficit occasionné par les JO, et a été placé sous tutelle. Les équipements de Rio 2020 sont laissés à l’abandon, faute d’utilisation et de crédits d’entretien prévus.
Le budget des JO de Tokyo de 2020 a failli dépasser les 30 milliards de dollars, soit 4 fois le montant de l’estimation initiale, pour finalement repasser à 16 milliards d’euros, soit deux fois l’estimation initiale quand même ! Le seul stade olympique devrait coûter 2,8 milliards d’euros…
Par quel miracle propre au génie français les JO de Paris 2024 feraient-ils exception en tenant le budget ?
Pour Paris, le budget du GIP Paris 2024 est déjà subrepticement passé de 3,2 à 3,6 milliards d’euros entre le dépôt du deuxième et du troisième volet du dossier de candidature, soit une augmentation de 12,5% – ce qui présage de la suite… Cela porte ainsi le budget total à 6,6 milliards d’euros. Quand on pense qu’Anne Hidalgo avait déclaré, lors d’une visite au Japon, accompagnée de Valérie Pécresse, « Tokyo est un modèle pour Paris » et qu’elle devait « apprendre avec humilité de l’expérience de Tokyo », on tremble…
De nombreux économistes, tel Wladimir Andreff, estiment que la facture des Jeux Olympiques est toujours le double ou le triple de ce qui est initialement prévu et que l’accueil des grands événements sportifs internationaux n’est pas une bonne opération financière :
Ville hôte / année |
Nombre de candidats |
Coût total |
Coût total |
% de dépassement |
Los Angeles 1984 |
1 |
1,6 |
1,6 |
0 |
Séoul 1988 |
2 |
4,0 |
8,3 |
108 |
Barcelone 1992 |
6 |
3,9 |
10,0 |
156 |
Atlanta 1996 |
5 |
2,5 |
3,3 |
32 |
Sydney 2000 |
5 |
2,8 |
5,4 |
93 |
Athènes 2004 |
5 |
5,3 |
11,1 |
109 |
Pékin 2008 |
5 |
2,6 |
32,0 |
1130 |
Londres 2012 |
5 |
4,8 |
10,9 |
127 |
Rio 2016 |
4 |
9,5 |
33,0 |
247 |
Tokyo 2020 |
3 |
7,7 |
16 |
108 |
Candidature Paris 2024 |
2 |
6 |
6,6 |
10 |
Coût prévu et coût réel des Jeux olympiques d’été depuis 1984 (en milliards d’euros constants 2014). Wladimir Andreff 2016 + actualisation pour 2016, 2020 et 2024.
On nous dit : 95% des sites sont déjà construit.
Pourquoi c’est un mensonge ?
-
Quelle est la liste des sites restant à construire ? Car si le comité de candidature met régulièrement en avant la piscine olympique (112 millions d’euros, dont 91 pris en charge par les partenaires publics), le village olympique (1,3 milliards d’euros, dont 248 millions pris en charge par les partenaires publics) et le centre des média, c’est à peu près le silence radio sur une nouvelle Aréna de 8000 places qu’il va falloir construire pour les épreuves de basket et de lutte dans le parc de Bercy, jouxtant celle existante alors qu’elle peine déjà à faire le plein. La construction de ce seul site dans un espace naturel et proche de la Seine coûtera 94 millions d’euros, dont la moitié, soit 47 millions pris en charge par les collectivités publiques !
-
De nombreux sites sont certes déjà construits mais devront faire l’objet de rénovation. Pour le seul Stade de France, le dossier de candidature évoque 70 millions d’euros de travaux programmés.
-
Le coût engendré pour la collectivité ne réside pas seulement dans la construction mais aussi dans l’entretien des sites. Or ces éléphants blancs se dégradent d’autant plus vite qu’ils sont inoccupés. On le voit bien actuellement à Rio.
-
Le maquillage des comptes : de nombreuses dépenses ne sont pas imputées sur la candidature mais directement sur les partenaires publics. Ainsi les opérations de communication de la Ville de Paris sur la candidature sont à sa charge. De même, s’agissant de l’Aréna de Bercy, Jean-François MARTINS, adjoint aux sports à la mairie de Paris, prétend que cet équipement sera construit quelle que soit la décision du CIO, permettant de faire échapper le coût à celui de la candidature.
On nous dit : les jeux rapporteront 10 milliards d’euros.
Pourquoi c’est faux :
-
Les dépenses de sécurité ne sont pas prises en compte. C’est ainsi qu’elles n’ont pas été comptées pour l’Euro 2016. Pourtant c’était simple de faire le calcul, sachant que ce sont 90000 policiers, gendarmes et personnels de sécurité privé qui ont été mobilisés. C’est donc non seulement une imposture intellectuelle, mais aussi une tromperie envers les citoyens. L’adjointe au maire de Paris en charge de la sécurité, Colombe Brossel, précisait en juin 2015 qu’il était encore trop tôt pour en parler : « Il est normal qu’aucune étude n’ait été faite, les moyens de sécurité mobilisés pour l’événement sont conditionnés à la détermination des sites. Si notre dossier est sélectionné, on va rentrer dans un process plus précis, pour l’instant nous sommes trop en amont pour que les choses soient déterminées à ce point. » (Article « les Inrocks » 30 juin 2015). Très sous-estimée au départ, la facture finale pour la sécurité des JO de Londres en 2012 a finalement presque atteint le milliard de livres (plus de 1,3 milliard d’euros). Alors que l’ancien Premier ministre Manuel Valls expliquait que l’on devrait vivre avec le terrorisme pendant une génération, il serait logique d’en tenir compte dans les prévisions.
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L’effet d’éviction (les touristes habituels sont chassés par les athlètes, les officiels et les spectateurs) n’est pas pris en compte.
-
Les dépenses d’investissement sont sous évaluées.
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L’entretien des éléphants blancs n’est pas pris en compte.
-
Les JO bénéficient d’une exonération fiscale totale. Le coût de cette exonération fiscale n’a jamais été annoncé aux citoyens ni même au Parlement pourtant en charge de voter l’impôt ! Les 10 milliards d’euros de recette ne tiennent pas compte de cette moindre ressource pour le budget de l’Etat. En cette période d’austérité et de taxation massive des populations, et alors que les Etats s’attachent à traquer l’évasion fiscale, cette exonération est injustifiable.
A ces coûts réels il faut ajouter des coûts cachés :
– coûts cachés sur la candidature : dépenses de communications prises en charge directement par les partenaires publics de la candidature : la Ville de Paris, la Région Ile-de-France, l’Etat et le Conseil Départementale de Seine-Saint Denis font des campagnes de communication d’ampleur
– coûts cachés sur l’organisation des JO
– sécurité (voir également supra)
– transports (2 tronçons de la ligne 18)
– Grand Paris
– depuis l’échec de la candidature de Paris 2012, plusieurs équipements figurant dans le dossier de candidature Paris 2012 et considérés comme nécessaires à l’accueil en France des événements sportifs majeurs tels que les JO, ont été construits : le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (74 millions d’euros dont 53 millions financé par les partenaires publics), la base d’aviron et de canoë-kayak de Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne) (63 millions d’euros dont 11 millions financé par l’Etat)
– la rénovation du stade Jean-Bouin (170 M€) pour faire place aux épreuves de rugby
– la destruction des serres d’Auteuil pour l’agrandissement de Roland-Garros (épreuves de tennis et de boxe) : 340 millions d’euros dont 40 de financement public (à parité Etat et Ville de Paris)
– la construction de l’Arena 92 à Nanterre, qui sera livrée courant 2017, pour les épreuves de gymnastique, GRS et trampoline.
A l’époque où elle y était opposée, Anne Hidalgo l’a dit elle-même : « Les Jeux, c’est très joli, mais il n’y a pas une ville qui s’y soit retrouvée sur le plan financier » (Le Figaro, février 2015), confirmant sa déclaration antérieure : « Les Jeux ça coûte cher, la candidature coûte cher. Et les Jeux dispendieux, ce n’est plus d’actualité » (Le Figaro du 06/11/2014). Quels sont les éléments de faits qui l’ont conduit à changer d’avis ?
Pour aller plus loin : https://revistas.ucm.es/index.php/PADE/article/viewFile/41093/39328 |
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La candidature de Paris aux JO 2024,coûteux accélérateur du Grand Paris
Les Jeux Olympiques (JO) d’été comme d’hiver sont tristement connus pour laisser aux villes organisatrices, une fois les cérémonies de clôture terminées, des équipements sportifs inutilisés tombant en décrépitude ou ruineux à entretenir parce que sous-utilisés.
L’histoire des JO est également marquée par des investissements dans des aménagements urbains et des infrastructures de transport non directement liés aux JO mais très critiqués parce que n’allant pas dans le sens de l’intérêt général : par exemple des voie ferrée et autoroute pour les JO de Sotchi en 20141, l’ancien aéroport international Hellenikon non réhabilité après
les JO 2004 d’Athènes2.
La candidature de Paris aux JO 2024 n’échappe pas à cette fatalité, notamment dans la mesure où elle est présentée ouvertement comme un accélérateur du Grand Paris, projet de super-capitale française dont certains aspects sont vivement contestés.
N.B. : dans le texte suivant, le terme « JO » sous-entend sauf précision « 2024 ou 2028 »
- Grand Paris et JO (et Expo universelle 2025) en complicité
1.1. Les JO présentés comme économes et accélérateurs urbains…
Alors que la France peine à sortir de la crise économique et sociale de la fin de la décennie 2000, l’exemple des JO londoniens de 2012 au coût de 10,4 Mds €3 fait figure d’épouvantail. C’est pourquoi le Comité International Olympique (CIO) dans son « l’Agenda 2020 » de décembre 2014 fixe l’objectif de réduire le coût économique,
social et environnemental des Jeux4.
Cette maîtrise des dépenses sert d’argument pour la candidature de Paris. Ainsi, le secrétaire d’État chargé des Sports Thierry Braillard affirme en novembre 2014 qu’« ‘il n’y aura pas de lourds investissements à mener, à l’exception du village olympique » (nov. 2014) 5.
Dans l’étude d’opportunité de la candidature parisienne (février 2015) le Comité Français du Sport International (CFSI) met en avant un budget de 6,2 Mds € jugé « responsable financièrement et durable » dont 3 Mds € pour les infrastructures, « en totale cohérence avec le schéma de transport [déjà] prévu dans le cadre du Grand Paris »6. Les JO sont censés « accélérer la constitution du Grand Paris » préconisée par le rapport de France Stratégie (« Quelle France dans dix ans ? Les chantiers de la décennie », 25 juin 2014) : « Comment s’appuyer sur l’effet accélérateur que peuvent avoir les Jeux en matière de développement territorial pour garantir l’avancement du Grand Paris et proposer un projet qui contribue à construire son identité auprès de la population ? »7
Pierre-Yves Bournazel, délégué spécial chargé des JO auprès de la présidente du conseil régional d’Ile-de-France renchérit : « L’intérêt des Jeux, c’est d’avoir une date butoir. 2024. Nous avons de nombreux projets pour changer le visage de l’Île-de-France : le Grand Paris Express et ses 200 km de métro (…). Les Jeux, c’est l’assurance que tous ces investissements que nous avons prévus seront livrés en 2024, et non en 2030 ou 2035… Avec les Jeux, les contraintes administratives s’effacent, les imaginations s’épanouissent : c’est un formidable accélérateur. » (fév. 2016)8.
Même son de cloche pour Anne Hidalgo soutenant dans un entretien au Le Figaro (7 janvier 2017) : « La sobriété des Jeux était, pour moi, une condition. Ne pas entrer dans des Jeux dispendieux avec le risque d’éléphants blancs. (…) Nous avions, avant même la décision de nous engager dans la candidature, commencé à travailler sur le réseau de métro, le réseau express du Grand Paris. C’est quelque chose qui était parti, mais que les Jeux vont accélérer prodigieusement. »9
1.2 …alors que le calendrier du Grand Paris avait été accéléré pour les JO !
Les JO comme accélérateur de la réalisation du projet du Grand Paris et notamment du Grand Paris Express (GPE), le projet de métro automatique en rocade, (environ 200 kms pour 75 gares) est démenti par l’historique des modifications de sa programmation.
i / Evolution du planning de construction du GPE, antérieure à la candidature parisienne
Le réseau du GPE a été fixé par décret en août 2011 et sa mise en service était initialement prévue de 2018 à 2025 (sauf pour la liaison Versailles-La Défense prévue après 2025)10. En 2012 il est question de rééquilibrer les financements du GPE en faveur des transports du quotidien (RER)11 et le rapport Auzannet remis en décembre 2012 à la ministre Cécile Duflot :
– annonce un sucoût de 9 Mds € pour le GPE (de 21 à 30 Mds €) ;
– envisage l’achèvement de la quasi-totalité du GPE à l’horizon 2030 et non plus 202512 ;
– et enjoint l’Etat à choisir au nord entre le GPE et CDG-Express, le projet de desserte directe de l’aéroport Roissy 13.
Pourtant en mars 2013, pour stimuler la croissance économique, le premier ministre Jean-Marc Ayrault annonce la mise en service des trois quarts du réseau dès 202514, y compris :
– du tronçon Saint-Denis Pleyel – Triangle de Gonesse de la ligne 17 ;
– du tronçon Massy Palaiseau – Plateau de Saclay de la ligne 18.
L’achèvement des tronçons suivants est alors fixé à l’horizon 2027 :
– Massy-Palaiseau – Aéroport d’Orly de la ligne 18 et Villejuif-Institut G. Roussy – Aéroport d’Orly de la ligne 14 ;
– Triangle de Gonesse – Aéroport Charles de Gaulle de la ligne 17.
ii / Accélération du phasage du chantier du GPE quasi-simultanément à l’annonce de la candidature de Paris
En octobre 2014 le premier ministre Manuel Valls raccourcit à nouveau l’échéancier des travaux du GPE, en précisant que les aéroports de Roissy et d’Orly seront bien desservis par « les nouvelles lignes du Grand Paris Express dès 2024 ainsi que le pôle de Saclay », parce que, c’est désormais officiel, le Grand Paris sera candidat à l’organisation de l’Exposition universelle de 2025. De même, la mise en service de CDG-Express vers Roissy est promise pour 2023.
A l’automne 2014 la maire de Paris Anne Hidalgo était encore réticente à la candidature de la capitale (elle changera d’avis en février 2015). Mais le 6 novembre 2014 le président de la République François Hollande soutenu par son premier ministre soutient à la fois la candidature aux Jeux olympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025 15.
L’accélération du calendrier de la construction du GPE a donc précédé de peu la décision de l’Etat français et d’Anne Hidalgo d’être candidat à l’organisation des JO.
Ainsi, contrairement aux affirmations, l’échéancier de réalisation du Grand Paris Express a été raccourci avant le dépôt de la candidature parisienne pour augmenter les chances de celle-ci.
- Le coût de l’accélération du Grand Paris partie intégrante du budget des JO et peut être chiffré
Cette programmation raccourcie justifiée in fine par la candidature parisienne aux JO et les retombées économiques censées en résulter présente un coût qu’il faut logiquement ajouter au budget initial de 6,2 Mds € estimé par le CFSI. Il est erroné d’affirmer que le réseau de transport du Grand Paris ayantété voté et budgété avant la candidature, il n’entre pas dans la colonne des dépenses.
2.1 Le coût des aménagements de la ligne 17 du GPE lié aux JO et le projet EuropaCity d’Auchan-Wanda
i / La programmation de la ligne 17 calée sur celles des JO 2024 et d’EuropaCity
En décembre 2010 lors du débat public sur le projet de réseau de transport public du Grand Paris, le groupe Auchan a exigé puis obtenu que la gare Triangle de Gonesse de la ligne 17 passe d’optionnelle à ferme, pour assurer la desserte de son giganteste projet de centre commercial et de loisirs EuropaCity.
Et le 21 septembre 2012, un article paru dans La Tribune annonce qu’Auchan demande à avoir la gare Triangle de Gonesse d’ici 2025 : « Auchan a les reins solides, explique Christophe Dalstein [directeur du projet à l’époque], et nous sommes prêts à comprendre que la gare ne puisse pas voir le jour en 2020 ou 2021. Mais si elle ne sort de terre qu’après 2025, nous laisserons tout tomber ».
Alors qu’en décembre 2012 le rapport Auzannet recommandait de remettre à 2030 voire plus tard la mise en service du tronçon de la ligne Le Bourget – Roissy (via le Triangle de Gonesse) du GPE, le premier ministre J.-M. Ayrault décide en mars 2013 que le tronçon Saint-Denis Pleyel – Triangle de Gonesse de la ligne 17 sera achevé dès 2025. En octobre 2014 le premier ministre Manuel Valls accélère encore la programmation du GPE, en précisant que les aéroports de Roissy Charles de Gaulle et d’Orly seront bien desservis par « les nouvelles lignes du Grand Paris Express dès 2024 ». Ainsi l’Etat français a donné pleinement satisfaction à Auchan.
Le vrai bénéficiaire de l’accélération du phasage des travaux de la ligne 17 n’est pas la candidature de Paris aux JO mais le projet EuropaCity d’Auchan-Wanda, qui seront les grands gagnants même si le CIO écarte la candidature de Paris.
ii / Coût de la ligne 17 imputable aux JO 2024
Sans l’achèvement de ligne 17 programmée avant 2025 à cause de la candidature aux JO 2024, Auchan aurait déjà abandonné EuropaCity et la ZAC Triangle de Gonesse dont ce projet démesuré est le fer de lance et la raison d’être aurait perdu toute raison d’être, ainsi que la gare Triangle de Gonesse en plein champ.
Le coût du détour inutile d’environ 5 km de la ligne 17 (enterrée) par le Triangle de Gonesse est estimée à 500 M€ et celui de la gare d’interconnexion Triangle de Gonesse à 100 M€, soit 600 M€ à ajouter au budget de l’organisation des JO (volet infrastructures de transport).
Le coût de l’accélération la ligne 17 Nord (Le Bourget RER – Le Mesnil Amelot) du GPE liée aux JO
L’urgence de construire cette ligne n’est pas démontrée :
Une ligne jugée moyennement utile par le rapport Auzannet de 2012
Comme indiqué ci-dessus en 1. b) i., le rapport Auzannet de décembre 2012 enjoignait l’Etat à choisir au nord entre le GPE et CDG-Express, le projet de desserte directe de l’aéroport Roissy – Charles-de-Gaulle. Concernant la liaison Pleyel – Le Bourget – Roissy qui ne contribue pas à désaturer le centre de l’agglomération parisienne le rapport qualifiait de moyenne son évaluation socio-économique et de moyen son trafic prévu jusqu’au Bourget aéroport puis faible jusqu’à Roissy.
Presque 50% du trafic pour EuropaCity selon le dossierd’enquête publique
Dans son « avis délibéré n°Ae 2015-78 sur le projet de ligne 17 Nord du Grand Paris Express entre Le Bourget et Le Mesnil-Amelot (77-93-95) »16 l’Autorité environnementale indique que, d’après le dossier d’enquête publique qui lui a été soumis, « la fréquentation serait comprise entre 40 millions et 50 millions de voyages par an » et « en appliquant à la projection de fréquentation annuelle du pôle EuropaCity les mêmes hypothèses de part modale et de proportion d’utilisation de la ligne 17, la prise en compte des visiteurs du pôle EuropaCity représente environ 18 millions de voyages annuels sur la ligne 17 ». Avec presque la moitié de son trafic destiné au très constesté projet privé de centre commercial EuropaCity, il est permis de douter fortement de l’utilité de la ligne 17 Nord.
Chiffrage du coût de la ligne 17 Nord imputable aux JO
Le coût de la ligne 17 Nord imputable aux JO peut-être chiffré selon deux hypothèses :
Hypothèse basse : 304 M€
Dans l’hypothèse basse, ce coût est le coût de l’accélération de la ligne 17 Nord mise en service dès 2024 au lieu de l’être à partir de 2030 comme initialement prévu, calculé comme les produits d’intérêt qu’aurait rapporté une somme égale aux investissements dans la ligne 17 Nord si elle avait été placée pendant 6 ans (entre 2024 et 2030).
Le coût est de 304 M€ sur la base du calcul suivant :
1 568 M€ d’investissements égal au coût total de la ligne 17 Nord de 2 118 M€ (aux conditions économiques de 2010) diminué des 500 M€ du détour enterré pour urbaniser le Triangle de Gonesse et des 50 M€ de la partie de la gare Triangle de Gonesse relative à la ligne 17 Nord17 auxquels on applique pendant 6 ans (intérêts composés) le taux d’intérêt sans risque de 3% utilisé en matière d’actualisation des investissements publics18.
Hypothèse haute : 1 568 M€
Sachant que la ligne 17 Nord fait en grande partie doublon avec le projet CDG-Express très récemment relancé par le gouvernement et qui semble être jugé prioritaire, la construction de ces deux lignes ne se justifierait pas et le coût total de la ligne 17 Nord hors détour par le Triangle de Gonesse, soit 1 568 M€, serait imputable aux JO.
Le coût de l’accélération de la ligne CDG Express liée aux JO
Une mise en service prévue en 2024 qui aurait pu attendre 2030
Le rapport de l’enquête publique sur CDG Express daté du 29 septembre 2016 indique que « Ce projet est un élément déterminant pour la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 2024 » (p. 11/170)19.
Mais la croissance du trafic aérien de l’aéroport Paris – Charles-de-Gaulle ayant été ces dernières années moins forte que prévu notamment parce que les attentats de 2015-2016 ont réduit l’arrivée de touristes internationaux, la mise en service de CDG Express aurait semble-t-il pu attendre 2030 :
– selon le PDG du groupe Aéroports de Paris gestionnaire de l’aéroport Paris – Charles-de-Gaulle, « En 2030, selon les études de l’Etat, l’augmentation du trafic automobile pourrait porter à 90 minutes le temps de trajet moyen entre Paris et l’aéroport, contre 45 minutes aujourd’hui. La réalisation du CDG Express est indispensable pour ne pas brider l’attractivité et la croissance de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. »20
– le contrat de concession de la ligne CDG Express prévoit un point de rendez-vous majeur en 2030, le risque financier lié au trafic étant majoritairement supporté par l’Etat avant cette date21.
Chiffrage du coût de l’accélération de CDG Express liée aux JO
Le coût de cette accélération est calculé comme les produits d’intérêt qu’aurait rapporté une somme égale aux investissements dans la ligne CDG Express si elle avait été placée pendant 6 ans (entre 2024 et 2030).
Le coût est de 274 M€ sur la base du calcul suivant :
- 1 410 M€ (aux conditions économiques de janvier 2014) d’investissements dans la ligne CDG Express 22
- auxquels on applique pendant 6 ans (intérêts composés) le taux d’intérêt sans risque de 3% utilisé en matière d’actualisation des investissements publics23.
Le coût de l’accélération de la ligne 18 du GPE liée aux JO
En octobre 2014 l’annonce gouvertementale d’un achèvement dès 2024 (au lieu de 2027) de la desserte du plateau de Saclay (gare CEA Saint-Aubin) depuis Orly24, notamment parce que « Le Gouvernement soutient également la candidature du Grand Paris à l’exposition universelle de 2025, un « grand projet métropolitain » susceptible de fédérer les énergies du Grand Paris » (M. Valls) est un coup de pouce de plus à la candidature de Paris aux JO qui était alors imminente. Le tronçon ouest reliant la gare CEA Saint-Aubin à celle de Versailles Chantiers sera mis en service en 2030. Mais la communauté d’agglo. de Saint-Quentin-en-Yvelines demande sa mise en service dès 2024 si les JO sont attribués à Paris25, pour desservir notamment le golf national et le vélodrome national.
L’utilité de cette ligne peut être contestée pour plusieurs raisons :
L’analyse très critique du Commissariat Général à l’Investissement (CGI)
Dans son avis 2015-n°33 du 21 octobre 2015 sur la ligne 18, le Commissariat Général à l’Investissement constate que la ligne « représente 12,7 % des investissements du Grand Paris Express et fournira à terme 5,5 % des avantages attendus du programme complet ». Il souligne que « la rentabilité socio-économique classique de la ligne est négative » (si l’on ne tient compte que des effets transports) et que « les bénéfices économiques hors transport, dits bénéfices économiques élargis, de cette zone sont par ailleurs entachés d’incertitudes incontestables ».
L’avis du CGI est défavorable au tronçon ouest de la ligne parce que « les avantages apportés par la partie ouest du tracé entre le plateau de Saclay et Versailles sont insuffisamment affirmés pour justifier le coût élevé, et éventuellement sous-évalué, d’une section qui pourrait être différée davantage que ce qui est prévu. ». Il est favorable à son tronçon ouest mais avec trois réserves.
Une ligne au service d’un cluster contesté et facteur d’important étalement urbain
L’avis délibéré n°Ae 2015-63 de l’Autorité environnementale adopté lors de la séance du 21 octobre 201526 souligne que la ligne 18 « dessert des territoires qui ne font pas ou pas encore l’objet d’une urbanisation continue » (« le projet s’écarte des centralités existantes ») et « est ainsi intimement liée à des développements urbains en cours ou prévus sur le plateau de Saclay ».
La ligne 18 est une des conditions permettant l’urbanisation partielle du plateau de Saclay, très contestée par les associations de défense de l’environnement et la profession agricole parce qu’elle détruira des sols d’une très grande valeur agronomique au seul bénéfice d’un projet de pseudo cluster scientifique dont la réalité est d’abord celle d’une opération immobilière à grande échelle.
Une ligne très critiquée lors de l’enquête publique réalisée au printemps 2016
L’enquête publique sur la ligne 18 a eu lieu du 21 mars au 26 avril 2016 inclus. Le 7 juillet 2016 la commission d’enquête a donné un avis favorable à la déclaration d’utilité publique nécessaire à la réalisation de la ligne 18, mais avec trois réserves et alors que la traversée du plateau de Saclay par un viaduc avait fait l’objet de nombreuses critiques.
Chiffrage du coût de la ligne 18 imputable aux JO
Non rentable, très contestée par la population au niveau de sa traversée aérienne du plateau de Saclay et destinée au détriment d’une agriculture viable à un vaste projet d’étalement urbain jugé non pertinent, la ligne 18 ne devrait son salut qu’à la désignation de Paris pour accueillir les JO.
Hypothèse haute : 2 860 M€ HT
Pour toutes ces raisons, la totalité de son coût de 2 860 M€ HT (conditions économiques de 2010)27 pourrait être rattaché au volet transport de l’organisation des JO.
Hypothèse basse : 1 287 M€ HT
Dans cette hypothèse, le coût de l’accélération de la ligne 18 est de 1 287 M€ :
– le coût du tronçon Ouest, le plus contesté de la ligne 18, est imputable aux JO, soit 1 126 M€ au prorata du coût des infrastructures de chaque tronçon ;
– le coût du tronçon Est correspond au montant des intérêts composés qu’auraient produit le coût du tronçon Est (1 734 M€ = 2 860 – 1 126) s’il avait été placé pendant 3 ans (entre 2024 et 2027) au taux de 3%, soit 161 M€.
Le coût de l’accélération de la ligne 14 Sud (Olympiades– Orly) du GPE liée aux JO
D’après l’avis du Commissaire général à l’investissement rendu dans le cadre de l’énquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique de la ligne 14 Sud du GPE28, « lors du conseil de ministre du 9 juillet 2013, le Premier Ministre a annoncé une accélération du calendrier du Grand Paris Express précisant que « la desserte de l’aéroport d’Orly (…) seront accélérées en vue d’une mise en service en 2024 » au lieu de 2027. Le premier Ministre a confirmé sa volonté d’accélérer le calendrier le 13 octobre 2014. »
Le coût de cette accélération est calculé comme les produits d’intérêt qu’aurait rapporté une somme égale aux investissements dans la ligne CDG Express si elle avait été placée pendant 3 ans (entre 2024 et 2027).
Le coût est de 237 M€ sur la base du calcul suivant :
– 2 556 M€ (aux conditions économiques de janvier 2010) d’investissements dans la ligne 14 Sud y compris foncier et acquisition du matériel roulant29
– auxquels on applique pendant 3 ans (intérêts composés) le taux d’intérêt sans risque de 3% utilisé en matière d’actualisation des investissements publics30
Conclusion
Pour satisfaire au critère de coût raisonnable des JO instauré en 2014 par le CIO, le gouvernement français et les élus locaux franciliens présentent donc une facture artificiellement allégée parce que presque toutes les dépenses significatives d’infrastructures de transport décidées (accélération du calendrier de réalisation du GPE) permettant d’obtenir l’organisation des JO 2024 ont été décidées avant de dépôt de la candidature de Paris de mi 2015.
Pour cette raison le budget de l’organisation des JO 2024 à Paris doit être reévalué comme suit à la hausse :
Description du coût (aux conditions économiques de 01/2010 sauf mention contraire) |
Hypothèse |
Hypothèse |
Accélération |
600 |
600 |
Accélération |
304 |
1 568 |
Accélération du calendrier de construction de la ligne CDG-Express (aux conditions économiques de 01/2014) |
274 |
274 |
Accélération du calendrier de construction de la ligne 18 (Aéroport d’Orly – Versailles Chantiers) |
1 287 |
2 860 |
Accélération du calendrier de construction de la ligne 14 Sud (Olympiades – Orly) |
237 |
237 |
TOTAL |
2 702 |
5 539 |
De plus, l’accélération du calendrier du GPE et de CDG Express est contraire à la recommandation de la Cour des Comptes dans son rapport 2016 de donnée la priorité absolue à l’entretien du réseau francilien existant (les « trains du quotidien »).
NB : les coûts ci-dessus sont sous-estimés parce qu’ils n’intègrent pas les éléments suivants :
- L’inflation des coûts survenue depuis 2010 puisque les coûts des lignes 17 Nord, 18 et 14 Sud sont aux conditions économiques de 01/2010 et que celui de la ligne CDG Express est indiqué aux conditions économiques de 01/2014 ;
- Risque de « surchauffe » lié à l’accélération du calendrier des travaux du GPE.
Le volume global de travaux à réaliser et les dates très rapprochées fixées comme objectif pour les mises en service des différents tronçons des lignes risquent de provoquer une certaine surchauffe parmi les entreprises capables de réaliser ces ouvrages31. Il est donc légitime de considérer que le risque d’un niveau de prix moyen de l’ensemble des infrastructures du GPE plus élevé que celui estimé est loin d’être négligeable.
NOTES :
1 2 3 Cf article « Londres 4 5 9 Cf http://sport24.lefigaro.fr/jeux-olympiques/jo-2024/actualites/hidalgo-drut-sur-les-jeux-olympiques-c-est-l-union-sacree-840230 10 Cf http://www.lemoniteur.fr/147-transport-et-infrastructures/article/actualite/859335-grand-paris-le-decret-relatif-au-trace-du-futur-metro-automatique-est-paru 11 12 13 14 15 16Cf p. 9/34: http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/151202_-_Ligne_17_SGP_77-93-95_-_delibere_cle65d1a5.pdf 17 18 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 |
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